Entre #6 : Comment s'installe la violence

  • Date : 06/06/2023
  • Type : Vidéo
  • Auteur : Justine
Au collège, les violences s'accroissent et Justine essaie d'y faire face avec vaillance. Elle élabore une théorie: «On peut pas avoir une super belle vie enfant et une belle vie adulte. Faut choisir».
TRANSCRIPTION :
On était jeudi et c'était le moment de la cantine on se mettait en rang pour aller manger.
Et un garçon avec sa bande celui qui m'embêtait ils se sont mis en cercle autour de moi et m'ont dit qu’une de mes copines, Rose, leur avait dit que je les détestais qu'ils étaient trop cons.
Ce que je n'ai jamais dit.
Je l'ai pensé, mais je n'ai pas dit.
Et Rose c'est un amie à moi, enfin amie, copine, que j'avais rencontrée au collège et qui étaient copine, qui était gentille et elle est devenue très méchante.
Ceux qui m'embêtaient ils se sont encerclés autour de moi et m'ont dit "Rose elle nous a dit que tu nous détestais et que tu nous trouvais cons".
Et ils se sont mis à me rouer de coups de pieds et je me suis mise à pleurer.
J'ai eu peur, je me débattais, et j'essayais de passer en dessous, au dessus de leurs jambes, j'essayais trouver un moyen de sortir, j'étais en panique, j'étais en stress, j'avais peur qu'ils me frappent. Parce que j'ai eu ça dans tous les films, où ils parlent d'un harcèlement et j'ai eu vraiment peur. Je les ai repoussés, ils sont mis me donner des coups de pieds par rafales.
En plus il y en a une qui avait des bottes, ça faisait pas trop mal, une qui avait des baskets, et une qui avait des vans.
Donc ça faisait très mal, ça faisait plus mal que s'il avaient mis des ballerines.
C'est charlotte qui m'a souri, je serais restée là pendant toute la cantine parce que je ne bougeais plus et Charlotte elle n'arrêtait pas de me dire par dessus "ça va ? ça va ? Tu veux que je prévienne la CPE?"
Et j'étais dans mes sanglots, je lui répondais pas, et là elle m'a vue, en train de me tenir la cheville elle est allée voir la CPE.
La CPE, elle m'a emmenée avec une autre fille dans le couloir et elle m'a demandé ce qu'il s'est passé, et je lui ai tout raconté, et je suis retournée manger.

Et après la cantine, il y a eu toute une histoire de "Rose m'a dit ça",
"Mais c'est elle qui m'a dit ça"
"non mais c'est pas ça c'est juste que Alex elle m'avait dit ça"
Et au final la CPE elle a dit : en fait Justine elle s'est pris un coup de pied à cause de rumeurs, parce que c'était une rumeur, et ils ont tous levé la voix et dit "oui".
Alors le garçon qui m'embêtait il a eu un avertissement pour violence, Rose, ma copine, elle a eu un avertissement pour ragots, et Alex celle qui me frappait aussi elle a eu un avertissement pour violences et pour ragots.
Parce que c'est elle qui avait colporté le ragot jusqu'aux garçons qui m'embêtaient.

Et après tu t'es sentie comment ?

Angoissée et j'avais peur qu'ils me coincent à la sortie, j'avais peur qu'ils continuent à m'embêter.
Mais ça va, ils ont arrêté de m'embêter, ils ont fait comme si ça c'était pas passé.

Et ça t'empêche pas de travailler à l'école ?

Non pas du tout.
J'ai des bonnes notes, j'ai eu un 18,5 en français, j'ai eu un 20 sur 20 en anglais, un 20 sur 20 en SVT pour vivre ensemble.
Donc ça va, je suis contente, ça n'affecte pas mon travail.
Tant que ça affecte pas ça va.
Mais, enfin, si, peut-être.
Mais je m'en rends pas spécialement compte, mais oui...
Par exemple, maintenant, enfin, c'est pas un exemple, mais, quand je courais pour arriver à mon cours de théâtre pour arriver à l'heure, j'arrive plus à courir à cause de mes coups de pieds dans la jambe.
Je cours plus aussi bien qu'avant, et ça ça affecte mon travail en sport, parce que le prof dit "allez allez Justine, un peu plus vite, Justine" parce que quand je fais de la course il dit "allez Justine un peu plus vite!".
Ça affecte pas, en sentiment, oui, j'ai l'impression d'être un peu plus forte qu'avant. Avant j'étais beaucoup plus sensible.
Je pense que l'adolescence a un petit effet sur ça aussi.

Comment ça ?

Ben l'adolescence aussi elle me fait dire mes sentiments, elle me fait faire une armure, elle joue un peu moins que le harcèlement, mais oui, enfin si on peut parler de harcèlement, pas vraiment.
Mais...
Pourquoi tu fais cette tête ?

Ben si c'est la définition du harcèlement, quand même.

Non, le harcèlement ils viennent tous les jours t'embêter, mais là ça va c'est pas du harcèlement.

C'est quoi là pour toi ?
Des débiles qui veulent jouer.
Mais c'est compliqué d'admettre que c'est du harcèlement, mais oui c'est du harcèlement.

En fait, moi, j'ai une politique, soit t'es petit, comme dans les films, soit quand t'es petit t'as une belle vie, tu es populaire, et quand tu es grand tu as une vie nulle.
Soit quand t'es petit t'es moche avec des grands qui te harcèlent tout ça, et quand tu es grand, tu deviens génial.
Et quand je vois que Hugo, Martin, tout le monde s'est fait harceler à l'école, j'adore comment ils sont devenus, alors je suis contente de me faire harceler plutôt que de finir seule dans mon coin.
Ariana Grande, elle s'est fait harceler, Selena Gomez elle s'est fait donner des coups de pieds et des coups de poings aussi...
C'est cool parce que tous ceux qui ont bien réussi dans leur vie, se sont fait harceler, donc je pense que j'aurais pas, on peut pas tout avoir, parce qu'on peut pas avoir une magnifique vie enfant, et une super belle vie en adulte.
Faut choisir.
Et aujourd'hui celle qui était avec moi qui me donnait des coups de pied elle m'a demandé de lui prêter en stylo rouge. Elle m'a dit "Justine tu peux me prêter un stylo rouge ? Cimer."
Parce que je lui ai prêté.
Je savais pas dire non.
Mais ça va parce qu'ils commencent à être gentils avec moi.
Ils ont dit qu'ils arrêteraient.

Justine a 11 ans et entre en 6ème. Elle raconte, en 26 épisodes, sa sortie de l'enfance, des doudous aux blagues de YouTubeurs, de sa peur du noir à ses rêves d'après bac. Un podcast de Charlotte Pudlowski produit par Louie Media (2018).