Correspondances ❘ Claire, Leila, Guillaume et Mohamed à Nathalie ❘ 39/39

Bonjour Nathalie, On a reçu votre lettre.
On l'a découverte à l'instant.
Nous arrivons vers la fin de l'année.
C'est peut-être, la dernière lettre que nous allons écrire.
On ne sait pas si on doit tutoyer ou vouvoyer.
Tu nous connais un peu maintenant.
C'est la première fois que nous racontons ces histoires à un adulte.
Nos copains non plus, nous ne les racontons pas comme ça.
Cette lettre était un moment heureux de notre vie.
Moi Leila, vos lettres, je les mettrai dans mon journal intime.
Moi, je les mettrai dans une petite boîte.
Je ne sais pas pourquoi les adultes s'intéressent à notre vie, pourquoi tu t'intéresses à la nôtre ?
Dans le futur, s'il y a vraiment quelqu'un que j'aime, quelqu'un qui ne s'ennuie pas quand je lui parle, je lui montrerai ces courriers en lui disant que c'est un truc important de ma vie d'ado.
Et puis c'est aussi un souvenir de quand il y a avait Claire avec moi.
J'ai l'impression que je ne grandit pas, est-ce normal ?
Moi, j'aimerais avoir de la barbe.
Moi aussi j'aimerais avoir de la barbe.
Je t'imagine jeune entre vingt et vingt-cinq ans, les yeux bleus et les cheveux noirs. Tu es grande.
On t'imagine dans la quarantaine comme tu racontes tes expériences, c'est l'impression que cela nous donne.
Je pense que tu es généreuse, que tu as de l'empathie, que tu ris des choses drôles, que tu sais donner de l'amour.
Je pense que tu as des enfants et tu es plutôt forte.
Moi, je dirais non pas d'enfants et que tu es plutôt fragile.
J'imagine que vous êtes gentille, à l'écoute.
Et moi, quand j'aurai vingt-cinq ans comme toi, j'aurai une grande taille, une voix qui aura changé.
Je serais musclé.
Je serai comme mon frère qui a vingt-trois ans.
On espère qu'on aura une belle vie, qu'on pourra travailler et gagner de l'argent, sortir un peu, être libres.
Si j'ai un travail, je dirais un moi du futur, de se calmer, d'avoir confiance.
Adolescente, je stresse, j'ai peur de ne pas réussir.
Il faut que je me fasse plus confiance.
La pression pour la réussite scolaire, le changement du corps, la difficulté du monde, c'est parfois trop à gérer.
Plus tard, j'aimerais être courageuse comme toi, arrêter de faire des scénarios dans ma tête, des "si j'avais fait, si, si je n'avais pas fait ça".
J'aimerais dire à mon moi du futur que je saurai vivre ma vie seule.
Moi, je lui dirai de s'entraîner pour être en bonne santé et j'espère que je vivrai longtemps.
Moi aussi, je lui ai dit de s'entraîner.
J'ai commencé la boxe et peut-être que je pourrai en faire mon métier.
Moi, si j'avais quelque chose à dire à moi de quarante ans, je lui rappellerais que je voulais devenir bilingue, que je voulais faire le tour du monde, partager du savoir et des expériences sur internet, je lui rappellerais que la vie est courte et lui dirais de voir tout le chemin qu'elle a fait jusqu'à cet âge.
J'aimerais faire des expériences pour mieux choisir.
J'aimerais peut-être ne pas me marier, rester libre que mes parents ne décident pas pour moi.
Je veux te remercier pour cet échange, pour nous avoir dévoilé ta vie personnelle.
Cela nous a aidé à découvrir des choses, à nous faire réfléchir, à nous faire confiance.
On espère que nous aussi, on t'a apporté quelque chose, au moins du divertissement.
Voilà Nathalie.
Si on ne se parle plus, on te souhaite d'être heureuse et en bonne santé.
Nous on te souhaite tout le bonheur du monde.
Alors voilà, il nous faut continuer dans nos chemins du bonheur.
Nous, on n'est pas à l'aise pour les adieux.
Alors cette fois on ne va pas dire sayonara, ce n'est peut-être pas un adieu définitif, alors un Arigatou gozaimashita.
Au revoir.

Correspondance entre des collegien·nes de Vandoeuvre (54) et des adultes de Forbach (57). 2020-2021.
En partenariat avec le CCAM (Scène Nationale de Vandoeuvre), le Carreau (Scène Nationale de Forbach), le collège Simone de Beauvoir, le conseil départemental de Meurthe et Moselle.