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- Sur MSN, j’ai parlé à F. Il est poète, en ce moment. Déprimé aussi, peut-être. Il est un peu bizarre. Mais tant mieux: quelqu’un de normal, ça n’a aucun intérêt. Là , j’exagère : c’est pas un extraterrestre non plus. Je trouve quand même qu’il n’est pas comme tout le monde. Benoît m’a dit qu’il commençait un journal, «comme les filles». Il l’a dit vite fait, comme ça. C’est marrant. Moi aussi, j’aime bien écrire. Même si ça n’a aucun intérêt. Je m’en fous. Je pourrais essayer d’écrire bien, de faire de belles phrases. Il faudrait penser à la postérité. Quand je serai célèbre (avant ma mort, j’espère), on publiera ce carnet.Il est poète en ce momentTexte
- Et, assis sur les ruines de la vieille muraille, je penserais à toi. Tu sais, en fait j'aimerais bien retourner un peu au collège, pas pour travailler, mais pour pouvoir te revoir, toi et les autres. Les grandes vacances sont trop longues, peut-être : mais heureusement que les lettres nous rapprochent les uns des autres. Mais moi, personnellement, je n'aime pas vraiment les sentiments par lettre interposées. Les lettres se conservent mieux que les paroles. Pourtant, une parole, une phrase, fait je crois beaucoup plus d'effet dans notre esprit qu'une écriture. Mais, en même temps, l'écriture est un moyen indirect de dire des choses que l'on ose pas dire oralement, et ça facilite les choses pour les timides. Maintenant, la nuit est tombée, et la bougie qui m'éclaire commence à faiblir. Des étoiles s'alignent dans ma tête. ​​​​​​​Et c'est par l'écriture que je vais t'embrasser au clair de lune. Allez, chut ! Je dors… Bonne nuit. Tu me manques.Des sentiments par lettres interposéesTexte
- J’ai rencontré Pierre. Il est venu me voir dans l’appartement du boulevard Carnot et nous avons fait l’amour. Je me souviens de chaque détail, le soleil dehors, la fenêtre ouverte et le souffle tiède de l’air qui entrait dans l’appartement, son apparition quand il a garé sa voiture, le bruit sec et brutal de la portière. Quand il est entré dans l’appartement et que je l’ai embrassé je pensais, J’embrasse un homme, la phrase se répercutait pendant que mes lèvres touchaient les siennes. Chaque parcelle de lui était un synonyme du mot Liberté, Liberté conquise contre toi, contre toute ma vie, Liberté la barbe sur son visage, Liberté les muscles sous le tissu de son tee-shirt, Liberté la pilosité de ses bras, Liberté son sexe qui se tendait sous la toile de son jean, Liberté contre ce que le monde avait voulu de moi.Chaque parcelle de luiTexte
- Correspondances ☠Gloria à Carine ☠29/39Vidéo
- Il disait des phrases directement liées à sa vie d’auteur, « je dois écrire ma conférence pour la semaine prochaine », « il faut que je réponde à mon éditeur », et je rêvais de pouvoir prononcer ces mots-là moi aussi. Il m’avait invité à venir avec lui à l’opéra un après-midi et j’étais bouleversé, je ne sais pas si c’était par la beauté de la musique ou parce que l’opéra me donnait l’impression d’être un bourgeois accompli, on ne peut sans doute pas distinguer les deux. Quelle image aurait pu être plus éloignée de mon père que celle de moi, là , assis à l’Opéra de Paris, à côté d’un auteur ? J’entrais à l’opéra et je pensais "Je n’aurais jamais dû entrer dans cette salle", je m’installais à la terrasse d’un café du Marais pour lire un ouvrage de Derrida ou Arendt et je pensais "Je n’aurais jamais dû être là , je n’aurais jamais dû savoir que ces auteurs existent". Être un bourgeois accompliTexte
- Correspondances ☠Carine à Gloria ☠30/39Vidéo
- Le Monde à l'Intérieur ☠ce n'était pas si innocent d'écrire des chansons ☠18/19Audio
- Il continue. Il décrit l’impossibilité de parler avec sa propre famille à cause de sa transformation et de son éloignement. Il raconte comment à vingt ans il est parti à Paris, la capitale, la grande ville où tout semblait possible, pour étudier la philosophie, et pour vivre plus librement qu’à Reims, sa ville natale. Il dit qu’à Paris il a commencé à écrire des livres, à s’inventer comme un intellectuel. Mon cœur se réveillait dans ma poitrine. Tout changeait autour de moi. Maintenant je comprenais ce que j’avais ressenti dès ses premières phrases : Pourquoi est-ce que je n’avais jamais fait comme lui ? Pourquoi est-ce que je n’étais pas comme lui ? Pourquoi est-ce que moi je n’étais jamais parti à Paris – comme lui ? Pourquoi est-ce que j’avais limité à ce point mon arrachement au passé ? Ses paroles propulsaient mon corps loin de la salle où j’étais assis et tout à coup j’étais loin des autres, loin d’Elena aussi, pour la première fois j’étais loin d’elle. Je l’écoutais, il parlait, je l’écoutais et je pensais soudain, je voudrais être comme lui, je voudrais être lui – pourquoi est-ce que je n’avais pas fui aussi loin ? Je ne savais plus ce que je ressentais, je l’enviais, il me fascinait et la seconde d’après mes sentiments se muaient en un mélange de jalousie et de colère, pourquoi est-ce qu’il a réussi alors que moi je suis là , bloqué dans cette petite ville de province, et que je n’ai presque jamais rien lu, que je n’ai rien écrit à part quelques scènes de théâtre minables sans aucune valeur plagiées sur ce qu’Elena écrit, pourquoi lui et pas moi – je voulais ne plus l’écouter, je voulais qu’il se taise, faites-le taire, pitié – je lui en voulais d’avoir ce que je n’avais pas, et puis mes émotions s’inversaient encore, elles s’inversaient et je pensais que je n’avais jamais admiré quelqu’un avec autant de force ; je me suis tourné vers Elena et j’ai vu son corps s’éloigner de moi. Je ne pouvais plus la toucher, je voulais l’appeler mais elle n’entendait pas. Quand le philosophe a terminé sa conférence – il s’appelait Didier Eribon, je ne le savais pas encoreJe voulais être comme luiTexte
- Correspondances ☠Bernard à l'adolescent qu'il était ☠08/39Vidéo